solidarité et voisinage

J'avais prévu de faire un article sur la nouvelle lune, les rituels...etc...Et puis ce matin, la réalité m'a rattrapée, et j'ai décidé d'écrire sur ce que j'avais vécu en début de matinée. J'ai envie de donner à ce blog une couleur en accord avec la vie, ma vie. Mes expériences, mes ressentis aussi, comme un journal...
J'habite une région qui a été touchée hier, par de violents orages, une pluie torrentielle, soudaine, accompagnée de fortes rafales de vent, d'éclairs. Ce fût soudain, en soirée. Alors que nous commencions à manger sur la terrasse, il a fallu rentrer rapidement, puis ressortir pour fermer et protéger le maximum de choses sur la terrasse.
Ce matin, tout était fini, pas de dégâts...Nous avons déjeuné dehors, tranquillement, à la fraîche avec les enfants, comme nous avons l'habitude de le faire tous les matins. C'est un moment à nous, un peu suspendu, sans écran, on se réveille doucement…Alors que je débarrasse la table, j'entends une voix qui m'appelle dans l'escalier du jardin...C'est Joseph notre voisin. Il est inquiet, il n'a plus d'électricité, il ne comprend pas, malgré quelques manipulations rien ne marche...Il a appelé mairie, edf, et quelques numéros d'électriciens qu'il a trouvés, mais personne ne peut intervenir.
Je dois partir chez le véto, ma mimi a une otite...Je le sens un peu paniqué par cette situation (qui dure depuis hier soir). Une simple panne, qui devient un cataclysme quand on approche les 90 ans. Il n'a pas dormi de la nuit.
Je pars, et je réfléchis sur le trajet aux différentes solutions qui s'offrent à moi. Il est évident qu'il faut faire marcher "le réseau", et faire venir quelqu'un par l'intermédiaire d'une connaissance (nous sommes en plein mois d'août).
J'envoie quelques textos...une amie dont le mari est peintre, pas de bol, ils sont en vacances à la mer jusqu'à la fin du mois, je demande à ma voisine si éventuellement elle connaîtrait pas quelqu'un (elle qui travaille dans une grosse boîte et essentiellement avec des hommes), puis enfin j'appelle mon ancienne voisine qui vient de faire construire et qui me dit "oui, mon oncle est électricien mais il est pas là, tu n'as qu'à leur donner les numéros dans les pages jaunes, et voilà"...
Et "voilà"...Tout est dit...Les gens s'en foutent "royal" des autres. Tout est résumé en seul mot "voilà"...Elle aurait pu l'appeler, éventuellement lui demander le numéro d'un autre électricien mais non...
Je rentre du véto...Je vais chez eux. Je les trouve tous les deux dans la cuisine, elle, est en larmes...Ils ont fini par avoir edf qui devrait intervenir dans la journée. Mais je sens bien que pour eux, c'est beaucoup, beaucoup trop…Je passe un moment, au milieu de cette cuisine, conservée dans son jus, comme dirait un agent immobilier, où les bibelots couvrent entièrement les étagères, au milieu des photos et des médicaments. J'écoute simplement, je rassure, je promets de repasser le soir même, et d'appeler moi même des électriciens si edf n'arrive pas à faire quelque chose.
Ils me disent alors "ici, on est seuls, la plupart des maisons sont vides de leurs occupants...Soit parce qu'ils n'y habitent plus (décès, maison de retraite), soit parcequ'ils sont peu chez eux (boulot en semaine, rarement présents le Week end)". Ils sont face à une grande solitude, peu de contacts, pas de famille sur place, et un corps qui lâche peu à peu (surdité, motricité…). En allumant une cigarette Joseph me dit "vous savez, il n'y a pas plus la solidarité d'avant, aujourd'hui chacun vit sa vie, sans se parler, personne ne vous tendra la main".
Je suis triste de les voir ainsi. J'ai ressenti moi même cet égoïsme ce matin, quand j'ai tenté, en vain de trouver quelqu'un dans mes relations. Personne ne bouge le petit doigt. Je comprends pas d'où ça vient. J'ai repensé à une amie qui est partie vivre à l'autre bout de la planète il y a 10 ans et qui me disait "j'en peux plus de tous ces gens ici, qui regardent même pas leur voisin, qui s'en foutent des autres". Et je comprends finalement ce qu'elle voulait dire, elle qui aimait les échanges, l'entraide, le partage...
Au delà de la diminution physique, c'est aussi la solitude qui tue peu à peu les personnes âgées. J'ai passé une heure chez eux ce matin, on a discuté, on a relativisé, on refait 10 fois le tour du jardin, en énumérant les arbres et leur histoire (comme à chaque fois), je suis partie avec un pot de confiture de mûres.
J'ai rien fait….J'ai même pas trouvé un électricien!...Ce soir, j'y retourne pour faire le point avec eux. On avisera de la suite. Mon mari, que j'ai eu au téléphone, me dit qu'il fera aussi quelques tests, pour tenter de remettre le courant au moins sur une partie de la maison.
Ces gens là, ne sont pas de ma famille, mais ils habitent juste de l'autre côté de mon mur. Je ne peux pas ignorer leur présence, je ne peux pas "balancer" les numéros des pages jaunes et rien faire, je ne peux pas me dire "ouais, moi quand j'appuie sur l'interrupteur ça marche, donc c'est pas mon problème".
Tendons la main, Tendons l'oreille...On a pas besoin de s'engager dans l'humanitaire, parfois "l'humain" c'est juste à côté de chez nous, encore faut il prendre le temps. Dire bonjour, se saluer de loin, porter des attentions simples lors des fêtes (muguet, Noël…). ça tient à pas grand chose en fait, à rien du tout même. Mais pour eux, c'est déjà beaucoup…
Dans la même idée, j'avais écrit un article il y a quelques temps, qui s'intitulait Sommes nous tous transparents? ...Le voisin inconnu qui me porte un pot de confiture alors que je viens d'arriver dans cette nouvelle ville, c'est Joseph...